la
ReFeRe
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Album n°43 (Le Dépôt en intention)
Work in progress -
H0e/H0n3
scale (1/87) 9 mm gauge freelanced
model railroad
Le
prochain îlot de la ReFeRe s’appelle le Dépôt. Il est en cours de
construction et rejoindra le Musée des mondes imaginaires une fois
achevé et même parachevé. On y accueille, enregistre et valorise tous
les déchets solides macroscopiques, mésoscopiques et microscopiques
issus de la construction et du fonctionnement de l’entreprise-empire et
apportés par des trains transportés par des glisseurs. On s’en fera une
idée au travers des textes ci-dessous et des images aquarelloïdes et
bédéïformes saisies sur la partie quasi-achevée du site.
Pas de repos, pas de dépôt
Un réseau ferroviaire digne de ce
nom (et de s’étaler sur Internet) se doit de posséder un dépôt. Et pas
un petit. Presque toujours, il comporte un gril et une rotonde presque
aussi grands que le territoire desservi. Y est garée la collection de
locos du propriétaire, un parc à l’effectif bien souvent supérieur à
celui des voitures et wagons.
La ReFeRe est connue pour son refus de l’ostentation : pas de dépôt.
Par ailleurs, tous les engins
moteurs et automoteurs circulent sans relâche. À l’exception de ceux
qui sont en panne – on le comprendra -, ils tournent ou vont et
viennent entre les brèves haltes aux terminus. Ils n’ont donc pas
l’usage d’un dispositif de voies propres à les accueillir en dehors de
leur service : pas de dépôt.
Pour être connu, il faut se faire un nom
Il a fallu choisir un nom à cet
îlot spécial. On aurait pu l’appeler Plateforme technique de tri, de
réhabilitation et de valorisation responsable des rebuts non
putrescibles, soit PTTRVRRNP - ce qui aurait posé des problèmes aux
personnes dotées de difficultés d’élocution. Une référence biblique
aurait fait classe : la Géhenne - mais ici nulle pestilence. Les
Bretons auraient aimé (et compris) lastezerezh. L’oxymore DD (la
Délectable Déchetterie), l’Espace rudurgique à l’odeur de latin ancien
ou encore le Louis-dix-huitième Dépôt des caisses et consignations ont
eu leur chance.
Il a fallu choisir, en fait sans
réfléchir, et c’est « le Dépôt » qui désigne le lieu. C’est plus
ferroviaire et plus valorisant que le « dépotoir » qui aurait bien
convenu à cet espace.
Au dépôt, je dépose
Pourquoi ne pas se débarrasser des
détritus et des monstres, des rognures et des prototypes foireux, des
trucs et des brols selon un des nombreux procédés connus* et ne plus
les avoir sur les bras ? Parce que tout ce concrete (majoritaire et
dominateur) en plaques et ce plastoc (minoritaire et soumis) en tubes,
ça peut servir.
Le constructeur de réseau
ferroviaire, à quelque échelle que ce soit, conserve des ça-peut-servir
dans divers lieux et récipients. Surencombré, il passe par les affres
de l’indécision puis les jette (voir note précédente) puis
immédiatement se tord de remords car le bidule ad hoc indispensable
était dans le lot.
Mieux vaut donc conserver les ça-peut-servir.
Servir à quoi, dans le cas de la
ReFeRe où on a les moyens intellectuels, logiciels et matériels de
créer chaque chose ex nihilo, où chaque chose est une invention aussi
originale qu’improbable ?
Ça sert à mener une politique
écoresponsable de gestion écodurable et de tri écosélectif des déchets,
basée sur de la recherche-développement de pointe en automatisation du
triage, et à le faire savoir autant qu’à s’en vanter in petto. Ça sert
surtout à le faire savoir au travers d’une politique de communication
dynamique, mettant en avant des pages très documentées sur Internet et
surtout une maquette explicite au 1/87 exposée au MMI à Sauvigny.
* Dont le déversement la nuit en
contrebas d’une route, le don à une association caritative, le dépôt
devant le ministère des Déchets pour protester contre les déchets,
l’envoi sur Jupiter, l’incendie purement accidentel, l’exportation vers
le Tiers Monde, la compression dans une sculpture contemporaine,
l’immersion dans la rivière ou dans l’océan, l’incinération dans un
four à ciment, l’enfouissement profond irréversible, l’abduction, le
coulage dans le concrete ni vu ni connu, la magie spécialité
disparition, l’abolition miraculeuse, la mise en orbite, la
dissimulation sous le tapis, la concession du service d’évacuation à la
Mafia, l’interdiction d’en parler avec la destruction de toutes les
archives et des bavards.
La Robote, connue pour sa
voix de synthèse et son aplomb inoxydable, raconte à ce propos une
jolie histoire, que l’on doit écouter mais qu’on n’est pas obligé de
prendre au pied de la lettre.
Le noyau et le fruit de l’imagination
Les historiens sont formels : il y
eut, on vit une fois en expo à Monceaux, on admire toujours sur
Internet un Dépôt. Un îlot petit mais exquis, pittoresque et signalé
par tous les référologues comme la quintessence de la référitude.
A-t-il vraiment subit*, dans sa partie tas, un bouleversement ? En tous
cas, décision fut prise de l’agrandir et le moderniser. Et de donner au
monde, en passant, un exemple d’une restructuration menée sans
licenciement de personnel : l’ouvrier est toujours là, collé à son
poste, visible.
Si le centre de tri initial, le noyau central, est conservé dans son jus, à l’autre bout, c’est un chantier titanesque.
Le long des voies qui s’allongent,
s’érigent des machines terribles. On reconnaît des trémies, des
chargeurs à bande, des aspirateurs, des bacs, des grues vertes… On ne
reconnaît pas les dispositifs abrités dans les bâtiments et encore
moins ceux qui sont installés en sous-sol. Ces machines servent à
décharger, charger et déplacer les bidules et les brols en fonction
d’un programme parfaitement défini ; elles servent à exécuter les
programmes de tri. Elles font en tous cas la démonstration du
savoir-faire en matière de rudologie créative du Directeur-en-Chef. Et
de son imagination.
* La Robote, connue
pour sa voix de synthèse et son aplomb inoxydable, raconte à ce propos
une jolie histoire, que l’on doit écouter mais qu’on n’est pas obligé
de prendre au pied de la lettre.
Les tas, c’est moi
Et des tas, il y en a des tas. Tous
ont le déchet comme mobilier et matériau ontologiques. Seul le
Directeur-en-chef pourrait expliquer* les différences fondamentales qui
existent entre eux et ne se voient pas vraiment mais se sentent
confusément. C’est très intrigant et l’on pourrait s’abîmer en
contemplation et se perdre en conjectures. Faut-il considérer la
diversité des couleurs, la variété des formes des éléments, leur
nature, leur provenance ou leur destination imaginées, la pente de
l’ensemble, sa hauteur, la granularité de la surface ou sa rugosité
macroscopique ?
Vu l’inuniformité des amas, il est
clair qu’ils résultent, au moins en partie, de processus de tri. Mais
de tris selon quels critères, au moyen de quels algorithmes, opérés
comment ? Et est-on encore loin de parvenir à un résultat satisfaisant ?
* Car les tas, c’est
lui. S’il ne répond pas ou fait un exposé trop technicoscientifique
pour un entendement ordinaire, on peut tenter d’interroger la Robote.
Par construction, elle a réponse à tout.
Mettre le chaos K.O.
De l’ordre ! Si l’on veut que tous
ces trucs jetés, ces bidules écartés et ces rognures abandonnées
puissent être utiles, il faut qu’on puisse les trouver ; il est donc
nécessaire de les ranger. Imaginons des tas, des piles, des étalages,
des conteneurs spécialisés logiquement disposés sur une vaste surface
desservie par tout un réseau de voies de chemin de fer. Et aussi dans
les étages d’un bâtiment très haut desservis par un ascenseur (et une
grue de secours). Chaque lot homogène est muni d’un code QR, repéré par
géolocalisation. Le chemin pour y parvenir est indiqué par Google
Earth.
Un simple coup d’œil superficiel en
travers du premier tas de tout-venant venu indique qu’il y a environ 14
745 objets différents et donc autant de catégories possibles… On peut
essayer de commencer à ranger mais ce ne sera pas de la tarte.
Une particule, c’est noble ; une nanoparticule, c’est ignoble
Les installations actuelles, certes
assez spectaculaires, n’apportent que des solutions très partielles ou
purement expérimentales. Ou problématiques.
Examinons, par exemple, le cas de
certaines des machines qui ont pour fonction de réduire la diversité et
la disparité en maximisant le nombre d’items identiques. Leurs effets
secondaires sont considérés comme inquiétants par les milieux proches
des marchands de peur. Les effluents de dépigmentation* sont
épouvantablement toxiques mais on gère**. Les machines de recalibrage
qui homogénéisent la taille des objets*** produisent des particules
petites et des particules minuscules. De même les broyeurs qui
réduisent tout en poudre superfine.
En tout cas, le mot « nanoparticule » n’est jamais écrit ni prononcé.
* Tout entomologiste
sait que les Coléoptères cavernicoles sont dépigmentés. Les
échantillons de concrete et de plastoc conservés dans des tunnels
désaffectés dans le noir absolu ont jusque-là conservé leurs couleurs.
** L’îlot Le Nucléaire, bien connu, comporte les installations nécessaires.
*** Elles appliquent la méthode de
Procuste : les objets trop grands sont raccourcis (par sciage,
tronçonnage, limage…) et les trop petits allongés (par ajout de
matière, concrete par exemple, des mêmes textures et teintes). C’est un
peu compliqué.
On numérise, c’est l’avenir
Le Directeur-en-Chef, jamais à
court d’une idée lumineuse ni d’une percée décisive dans l’ingénierie
du rebut, a trouvé la solution pour résoudre le problème du tri et du
repérage des objets déposés. Une solution propre et moderne.
En deux mots, chaque pièce, quelle
qu’elle soit, est extraite du tas par une grue verte, posée dans un
wagon, transportée jusqu’à un banc de numérisation 3D, rechargée sur un
autre wagon et rapportée sur le tas voisin*. Le fichier numérique de la
pièce est sauvegardé dans le Cloud (un « nuage » fait de puissants
ordinateurs situés en Californie) avec une description codée très
précise de tous ses caractères physiques.
Plus loin, en tous cas à portée du
Cloud, dans des ateliers zéro-poussière disposés autour de la Cour de
recréation, les pièces qu’on pense pouvoir servir à quelque chose sont
recréées par une imprimante 3D. Elles sont dirigées, par train,
vers un emplacement intermédiaire, repéré par ses coordonnées GPS et
noté dans ledit Cloud.
On accumule et manipule ce faisant
une quantité gigantesque d’informations. La plupart sert uniquement à
étouffer et faire rager les plus gros services d’espionnage de la
Planète qui n’y comprennent toujours rien. On se marre…
* Pour la repérer si elle est par erreur reversée sur son tas d’origine, elle est marquée radioactivement.
Superbiffin, l’efficacité et la paix sociale
À certains endroits, le Dépôt est
très peuplé. Les humains présents sont des visiteurs, dits Admirateurs,
vêtus de blanc et bottés de bleu qui parcourent les GR et passent
bessif par les centres d’interprétation.
Sinon, à part le personnel conservé
sur le centre de tri historique – 1 technicien de surface -, nul manar,
chiffonnier, éboueur, manutentionnaire, vidangeur, ferrailleur, ripeur,
fouille-poubelles, cribleur-trieur, biffin, ingénieur rudologue,
technicien des services techniques, fossoyeur, chineur, broc ou autre
ambassadeur du tri. Tous ces métiers associés partout ailleurs à la
gestion des déchets sont ici abolis dans leur forme traditionnelle.
Laquelle les voit pratiqués essentiellement par des pue-la-sueur
souvent revendicatifs.
On est donc dans un paradis entrepreneurial et un havre de paix sociale*.
Toutes les opérations sont gérées
par un logiciel, appelé Superbiffin. Il est comme un cerveau muni
d’yeux-caméras, d’oreilles-micro, de poils sensoriels-capteurs, de
nez-chemorécepteurs… et de bras-grues vertes, de bras-convoyeurs, de
bras-aspirateurs… et de pattes-convois ferroviaires. Trains et machines
lui obéissent immédiatement et lui rendent compte en continu.
Vive le progrès !
Il va sans dire que cette invention
permet de se dispenser de tout système de surveillance et de répression
des tire-au-flanc. Elle abolit le Cafard autant que le Cafardeau.
Requiescant in pace
Si la ReFeRe ne possède pas de
dépôt dans l’acception ferroviaire du terme – on le répète – elle
dépose au Dépôt les épaves. Locotracteurs historiques épuisés,
prototypes délirants ou inachevés, autorails pas beaux ou
grillés… sont acheminés là, entiers ou réduits à leur caisse, pour y
jouir d’un repos éternel en principe. Il n’est pas exclu qu’à
l’occasion d’un grand rbeuillage, ils se retrouvent ailleurs et
autrement.
Ce n’est pas une casse ! On ne
désosse pas pour récupérer des brics et des brocs ! Quand on veut
construire quelque chose, on insiste sur ce principe référesque, on le
crée ex nihilo !
L’observateur le plus méticuleux ne
trouvera dans ce cimetière aucune voiture (de voyageurs), aucun wagon
(de marchandises). Pourquoi se serait-il engagé dans cette quête,
d’ailleurs, il sait comme tout le genre humain passé à Sauvigny ou
seulement connecté à refere.xyz que ces véhicules sont
éroués et installés isolés ou au sein de wagonvilles pour servir
de local.
Les glorieuses dépouilles en leur
nécropole sont mises en valeur par un sentier de découverte associé à
un centre d’interprétation, où l’on est invité à méditer, entre autres,
sur la brièveté de l’existence des trucs trouvés pas cher sur eBay.
Avril 2014
Les informations ci-dessus n’ont aucun caractère contractuel
À suivre !
avr. 2014
Actu
: la ReFeRe au musée
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